Redécouverte d'une espèce rare de lémurs nains
Cet animal insaisissable n'avait pas été aperçu depuis un siècle
Des chercheurs ont découvert la seule population vivante connue mondialement de lémurs nains Sibree, une espèce rare n'ayant été vue que dans la région orientale de Madagascar. La mise au jour d'environ un millier de lémurs de ce type a été faite par Mitchell Irwin, associé de recherche à l'Université ÎÛÎÛ²ÝÝ®ÊÓƵ, ainsi que par des collègues du Centre de recherche sur les primates de Göttingen, en Allemagne, de l'Université d'Antananarivo à Madagascar et de l'Université du Massachusetts.
Bien que l'espèce ait été découverte à Madagascar en 1896, ce minuscule lémur nain aux habitudes nocturnes n'a fait l'objet d'aucune recherche pendant tout le 20e siècle. À la suite de la destruction du seul habitat connu pour cette espèce, soit celui de la forêt tropicale, les scientifiques ne savaient pas si l'animal était toujours présent dans la nature ni s'il s'agissait d'un type distinct. L'étude sera publiée dans le numéro en cours du journal Molecular Phylogenetics and Evolution.
C'est en 2001, peu de temps après avoir mis sur pied un site de recherche à long terme en forêt tropicale dans la ville de Tsinjoarivo à Madagascar, que Mitchell Irwin a observé des lémurs nains pour la première fois. « Nous savions dès lors qu'il s'agissait d'une espèce particulière. Alors que nous nous attendions à voir une espèce propre aux forêts tropicales, le lémur que nous observions ressemblait plutôt aux animaux qui occupent normalement la forêt sèche occidentale, mais d'une taille toutefois beaucoup plus imposante », a mentionné le chercheur.
En 2006, Mitchell Irwin a entrepris une collaboration avec Marina Blanco de l'Université du Massachusetts à Amherst, qui piégeait des lémurs nains sur plusieurs sites aux quatre coins de Tsinjoarivo. Ces travaux ont donné lieu à l'étonnante découverte de la cohabitation de deux espèces distinctes sur le plan morphologique. Des travaux plus poussés menés par la généticienne Linn Groeneveld, du Centre allemand de recherche sur les primates, ont confirmé l'existence du lémur nain Crossley, une espèce plus commune, ainsi que celle du lémur nain Sibree, un animal beaucoup plus discret.
L'étude démontre que le mystérieux animal est en fait très proche de la seule espèce connue de lémurs nains Sibree, que l'on peut désormais voir au Musée d'histoire naturelle situé à Londres, en Angleterre. Des analyses génétiques indiquent que l'espèce mystérieuse présente de nombreuses différences comparativement à toute autre espèce connue. Les analyses génétiques ont par ailleurs confirmé que parmi les quatre espèces connues de lémurs nains, celle-ci est la plus unique sur le plan génétique et se rapproche probablement le plus de l'ancêtre dont sont issues les autres espèces.
Mitchell Irwin espère que cette découverte rehaussera les efforts de conservation. « D'une part, nous souhaitons mener à bien les activités nécessaires en ce qui a trait à la taxinomie afin de préciser le nombre d'espèces de lémurs nains », a souligné le chercheur. Cependant, le prochain défi à relever consiste à protéger de l'extinction cette espèce nouvellement mise au jour, dans un pays ravagé par la destruction de l'habitat. « Sans la reconnaissance générée par cette étude, cette espèce aurait fort probablement été conduite à l'extinction, et ce, dans un avenir rapproché. La protection de la seule population connue et le recensement d'animaux figurent au rang des priorités, d'autant plus que la plupart des forêts de cette région ont disparu », a-t-il conclu.