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Article: Un regard sociologique pour mieux comprendre le système de santé

ʳܲé: 26 February 2018

Par Philip Fine

Dans ses recherches, Jessica Drury, étudiante en troisième année de médecine à l’Université ۲ݮƵ, s’est penchée sur un défi important pour les professionnels de la santé : les interruptions. Le problème n’est pas abordé dans les programmes de formation, mais il a sans contredit une incidence directe sur le travail des professionnels.

Jessica Drury a présenté ses constatations dans un travail intitulé Do Not Disturb: Managing interruptions during patient visits, réalisé dans un cours de deuxième année du programme MDCM intitulé Observing Healthcare in Action (observation des soins de santé en action, ou OHA).

Le cours est donné par Peter Nugus, professeur au Centre d’éducation médicale et au Département de médecine de famille, qui a mené ses propres recherches ethnographiques dans des services d’urgence et divers milieux hospitaliers et communautaires, ici et à l’étranger. Dans le cadre du volet Transition vers la pratique clinique du programme MDCM, il amène les cohortes d’étudiants en médecine, plus à l’aise avec le système lymphatique et l’appareil circulatoire qu’avec des systèmes administratifs et organisationnels, à examiner leur profession sous un angle sociologique. Les étudiants accompagnent des membres du personnel d’un établissement de santé dans leur journée de travail pour mieux comprendre les rôles et les structures non médicales du système qui les attend au terme de leurs études. Ils doivent aussi situer leurs observations dans un contexte scientifique plus large en s’inspirant de principes établis par des médecins spécialistes en sciences sociales et des écrits sociologiques.

Selon le Pr Nugus, les hôpitaux et les cliniques, dotés d’un environnement physique et de structures de pouvoir uniques, sont des systèmes complexes qui jouent un rôle important dans la pratique médicale. Il importe donc que les étudiants en médecine se familiarisent avec ces complexités. « Comment peut-on défendre les intérêts des patients ou être socialement responsable envers les contribuables canadiens qui financent le système de santé si on ne comprend pas ce système ou les différents facteurs qui influent sur la santé des gens? », affirme-t-il.

Ce qui nous ramène à Jessica Drury, qui, pour l’aspect terrain de son travail, a fait deux séances d’observation de trois heures en compagnie d’infirmières dans un centre de médecine familiale, bloc-notes à la main. Comme tous les étudiants du cours, elle devait tirer un sujet de recherche de ses observations. Elle a constaté que les interruptions étaient très fréquentes dans le travail du personnel du centre.

« Une infirmière m’a dit “Parfois quand je suis avec un patient, quelqu’un ouvre la porte sans prévenir. Ça me rend folle!” », relate l’étudiante. Cette même infirmière lui a raconté qu’il lui est arrivé d’échapper un instrument alors qu’elle faisait des points de suture, parce que quelqu’un a ouvert la porte et qu’elle a dû se retourner pour voir qui c’était. Une autre infirmière lui a dit que les interruptions constantes lui laissaient peu de temps pour compléter ses notes aux dossiers.

Jessica Drury a aussi observé que les interruptions se révélaient parfois bénéfiques. Elle marchait dans un corridor en compagnie d’une infirmière quand elles ont croisé un médecin à un photocopieur. L’infirmière et le médecin ont brièvement discuté d’un cas à venir dans l’après-midi et ont convenu d’une stratégie de soins.

Le travail de Jessica Drury a été classé dans les cinq meilleurs parmi les 180 participants au cours OHA l’an dernier. Les cinq lauréats ont été invités à présenter leurs recherches lors d’une réception pour le corps professoral et les représentants des cliniques de soins de première ligne organisée par le Pr Nugus.

Dans le cadre du cours, les étudiants doivent également suggérer des façons d’améliorer les services de santé. Jessica Drury a suggéré que les bureaux des infirmières soient munis d’un écriteau du type « Ne pas déranger » à mettre sur la porte durant les interventions délicates. Elle a toutefois constaté également que le système est fait d’interdépendances et que les interruptions font partie intégrante du travail avec d’autres professionnels.

« On doit souvent consulter ses collègues et les interrompre parfois, et c’est normal. Les interruptions sont inévitables et il faut s’y attendre comme praticiens. Il faut donc prioriser les exigences envers nous », dit-elle.

Au cours de ses trois ans d’enseignement du cours OHA, le Pr Nugus a recueilli des suggestions d’amélioration du système de santé allant de la gestion des patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous médical (offrir des rendez-vous provisoires comme mesure d’essai pour les patients qui ratent régulièrement leurs rendez-vous) au dépistage de la violence familiale (partager l’information rapidement et diffuser des messages communs aux patients).

Le Pr Nugus rappelle une statistique éloquente : de 60 à 80 % des erreurs médicales résultent de problèmes de communication ou de coordination (Kohn et al, 2000; Østergaard et al, 1994; Schaefer et al, 1994). Ainsi, bien que l’image d’un oubli après une chirurgie vienne à l’esprit lorsqu’on parle d’erreurs médicales, le scénario le plus probable est celui d’un manque de synchronisation entre les innombrables rouages du système.

Le 8 février dernier, Peter Nugus a été choisi par ses étudiants comme lauréat d’un prix d’excellence en enseignement 2017 du volet Transition vers la pratique clinique, en reconnaissance de son travail dans le cours OHA.

Le 23  février 2018

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