Les adultes sans atteinte cognitive ayant des facteurs de risques de maladie d’Alzheimer présentent de légères altérations de réseaux du cerveau importants pour la mémoire
Des scientifiques de l’Université ÎÛÎÛ²ÝÝ®ÊÓƵ et de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, en collaboration avec le Centre StoP-AD (pourÌýStudies on Prevention of Alzheimer’s Disease), ont publié un nouvel article dans leÌýÌýqui examine comment un facteur de risque génétique connu de la maladie d’Alzheimer (MA) à apparition tardive agit sur la mémoire et les fonctions cérébrales de personnes âgées sans atteinte cognitive, mais présentant des antécédents familiaux de MA.
L’équipe a examiné un gène spécifique, celui de l’apolipoprotéine E (APOE), qui possède trois variants alléliquesÌý: e2, e3 et e4. Parmi ceux-ci, des études antérieures ont montré que les adultes porteurs d’un seul gèneÌýAPOEÌýe4 (+APOEe4) sont plus susceptibles de développer la MA. Pour l’étude, la chercheuse postdoctorale Sheida Rabipour et la professeure Maria Natasha Rajah ainsi que leurs collaborateurs ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour déterminer si le fait d’être porteur d’un génotypeÌý+APOEe4Ìýaltérait l’activité cérébrale pendant la réalisation de tâches de mémoire chez des personnes âgées qui pourraient être à risque de développer la MA.
« Il s’avère que le gèneÌý+APOEe4, très fortement associé au développement de la MA, n’affecte pas directement les performances de la mémoire ou l’activité cérébrale chez des personnes âgées dont les fonctions cognitives sont intactes », explique Sheida Rabipour, chercheuse postdoctorale au laboratoire de la Pre Rajah, et première auteure de l’étude. « Le gèneÌý+APOEe4Ìýsemble plutôt influer sur des régions et des systèmes du cerveau que les adultes âgés à risque activent afin de favoriser le souvenir d’événements passés. » Plus précisément, les adultes âgés porteurs du gèneÌý+APOEe4Ìýutilisent différentes régions du cerveau, comme le cortex pariétal, pour permettre un encodage réussi de la mémoire, à la différence d’adultes ne présentant pas ce facteur de risque génétique. Cela tranche avec des personnes âgées ne présentant pas le risque génétiqueÌýAPOEe4Ìýde développer la MA qui utilisent des régions cérébrales habituellement liées à la mémoire, telles que les lobes temporaux médians et le cortex préfrontal, pour favoriser un encodage réussi de la mémoire. Il ressort des résultats que l’effet du gèneÌý+APOEe4, lorsqu’il est examiné au-delà du poids des antécédents familiaux, est mineur et affecte la corrélation entre l’activité cérébrale et les performances de la mémoire.
Faire appel à la cohorte existante pour des donnéesÌý
Pour compléter leur étude, les chercheuses ont examiné l’influence du gèneÌý+APOEe4Ìýchez 165Ìýadultes âgés en bonne santé de la cohorte du programme PREVENT-AD (Pre-symptomatic evaluation of experimental or novel treatments for Alzheimer’s Disease), en excluant l’âge et les antécédents familiaux, qui sont aussi des facteurs de risque importants de la MA. L’équipe a appliqué une approche analytique très efficace à plusieurs variables, qui lui a permis de dissocier objectivement le sentiment général de familiarité qu’avaient les gens d’un souvenir précis d’un événement et du contexte y étant associé.
« Nous avons utilisé une méthode robuste basée sur des données qui ne se concentre sur aucune région particulière du cerveau, mais qui examine plutôt l’ensemble des schémas d’activité du cerveau dans les différentes étapes et processus nécessaires pour accomplir la tâche de mémoire que nous avons conçue », dit Sheida Rabipour.
L’équipe a pu identifier une relation distincte entre les performances et les schémas d’activité cérébrale pour la mémoire de reconnaissance, même chez des adultes âgés sans atteinte cognitive, sur la base du génotypeÌý+APOEe4. « Autrement dit, même si tous nos participants étaient normaux sur le plan cognitif et ont bien effectué la tâche de mémoire, nous avons quand même pu détecter une différence dans les systèmes cérébraux soutenant la fonction de mémoire compte tenu de la présence d’une copie du gèneÌý+APOEe4 », note la chercheuse postdoctorale.Ìý
Prochaines étapesÌý
Selon les résultats de l’étude, il existe des différences dans les relations entre la reconnaissance et les schémas d’activité cérébrale associés en fonction du risque génétique de MA, et ces différences sont mesurables même chez des personnes âgées normales sur le plan cognitif, si l’on tient compte des antécédents familiaux de MA. Les résultats montrent aussi qu’il est important de tenir compte des tâches utilisées pour mesurer les performances de la mémoire lorsqu’on examine les nuances entre les différents types de mémoire et la manière dont ils peuvent être affectés par des facteurs de risque de la MA. Enfin, les résultats semblent indiquer que les antécédents familiaux et le génotypeÌýAPOEÌýdevraient être considérés séparément lors de l’examen du risque de MA.
« La compréhension des façons dont les différents génotypes influent – ou non – sur le comportement et l’activité cérébrale a des incidences importantes sur la manière dont nous concevons les traitements des troubles de la mémoire liés à la MA, ainsi que sur notre approche pour prévenir et retarder le développement de la MA », explique Sheida Rabipour. « Grâce à notre tâche, nous avons également pu soutenir une théorie dominante selon laquelle les systèmes de mémoire pour la familiarité générale sont distincts de ceux qui sous-tendent le souvenir détaillé d’un événement passé. Cela pourrait se traduire par l’application d’approches de diagnostic et de traitement différentes selon le système de mémoire touché, et pourrait également contribuer à la mise au point d’outils ou de stratégies pour améliorer ces types de mémoire à mesure que nous vieillissons. »
Comme la population de l’échantillon comptait seulement des adultes âgés en santé et relativement jeunes, MmeÌýRabipour note qu’il est difficile de savoir si le gèneÌý+APOEe4Ìýdéclenche une sorte de mécanisme compensatoire aidant ces personnes à bien performer, ou s’il était simplement trop tôt pour détecter ses effets sur la performance. L’équipe espère donner suite à ces questions en étudiant ces effets sur une échelle longitudinale, pour voir si ces résultats en matière de performance et d’activité cérébrale se maintiennent au fil du temps et si les similitudes et les différences entre les porteurs et les non porteurs du gèneÌý+APOEe4Ìýdemeurent aussi.
L’articleÌýAPOE4ÌýStatus is Related to Differences in Memory-Related Brain Function in Asymptomatic Older Adults with Family History of Alzheimer’s Disease: Baseline Analysis of the PREVENT-AD Task Functional MRI Dataset,Ìýpar S. Rabipour, M. N. Rajah, et al, a été publié dansÌýJournal of Alzheimer’s DiseaseÌýle 30 juin.
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