Le cerveau plus malléable qu’on le croyait
Des chercheurs apprennent au cerveau à faire flèche de tout bois
Qu’il s’agisse de la maîtrise d’un sport ou d’un instrument de musique, la répétition est essentielle à l’apprentissage. Comme le dit le vieil adage, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Ce principe s’applique également à l’entraînement cérébral, démarche non effractive prometteuse pour pallier les déficiences consécutives à une maladie ou à un traumatisme neurologiques.
Grâce aux chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro) de l’UniversitéÌýÎÛÎÛ²ÝÝ®ÊÓƵ, on sait aujourd’hui à quel point le cerveau est malléable. Et ce savoir pourrait un jour être mis au service des personnes qui, par exemple, ont subi un accident vasculaire cérébralÌý(AVC).
En effet, les chercheurs DaveÌýLiu et ChristopherÌýPack ont montré que l’entraînement pouvait changer l’usage que fait le cerveau de l’information sensorielle. Plus précisément, ils ont établi que, selon l’entraînement cérébral réalisé en amont, une région du cerveau appelée « aire médiotemporaleÌý(MT) » pouvait être absolument essentielle à la perception visuelle ou, au contraire, parfaitement accessoire.
On savait déjà que l’aireÌýMT participait à la perception visuelle du mouvement. De fait, le sujet ayant des lésions de l’aireÌýMT n’arrive plus à percevoir le déplacement des objetsÌý: il les distingue nettement lorsqu’ils sont immobiles, mais ne les voit pas bouger. PourtantÌý– et c’est là un fait bien établiÌý– l’aireÌýMT est loin d’être la seule région cérébrale intervenant dans la perception visuelle du mouvement. Il y a donc là quelque chose de mystérieux, certes, mais également une perspective intéressanteÌý: l’existence d’autres voies qui pourraient prendre la relève en l’absence de l’aireÌýMT.
Dans la plupart des études sur le rôle de l’aireÌýMT, on demande au sujet d’indiquer dans quelle direction se déplacent de petits points sur un écran, parce qu’il a été prouvé que cet exercice active cette région du cerveau. Pour déterminer dans quelle mesure l’aireÌýMT est essentielle à la perception de ces mouvements, les deux chercheurs du Neuro ont usé d’un subterfuge fort simpleÌý: ils ont remplacé les points mobiles par des lignes mobiles, sachant que ces dernières stimulent moins l’aireÌýMT et davantage d’autres territoires cérébraux. Étonnamment, les sujets ont parfaitement perçu le déplacement des lignes, même après la désactivation temporaire de l’aireÌýMT.
À l’inverse, les sujets ne voyaient pas bouger les points après la désactivation temporaire de l’aireÌýMT. Et cette « cécité du mouvement » a persisté après le passage des points aux lignes mobiles, ce qui indique que les effets de l’entraînement étaient très difficiles à neutraliser. De fait, les effets de l’exercice exécuté au moyen de points mobiles sont demeurés décelables pendant des semaines. Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’une légère modification de l’entraînement peut amener de profonds changements dans le cerveau.
Cette observation pourrait trouver une application clinique. Par exemple, de nombreuses victimes d’AVC perdent la vue en raison des lésions cérébrales causées par la diminution de l’apport sanguin dans une région du cerveau nécessaire à la vision. Or, ces patients pourraient un jour recouvrer la vue en amenant leur cerveau, par un entraînement adapté, à faire appel à des aires cérébrales saines pour réaliser la perception visuelle.
« Après des années de recherche fondamentale, nous avons une assez bonne idée des territoires cérébraux en jeu dans la perception visuelle », affirme ChristopherÌýPack, auteur principal de l’article. « Certaines aires du cortex cérébral sont extrêmement sensibles à des caractéristiques visuelles bien définies, soit les couleurs, les lignes, les formes et les mouvements. À partir de cette information, nous pourrions élaborer des protocoles conçus de manière à solliciter plus ou moins certaines régions du cerveau dans la perception visuelle, en fonction des besoins du sujet. C’est un projet fort prometteur auquel nous commençons à travailler dès aujourd’hui. »
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Le compte rendu a été publié dans la revue le 19ÌýjuilletÌý2017.
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro)
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal, le Neuro, est un chef de file mondial dans le domaine de la recherche sur le cerveau et des soins de pointe. Depuis sa création en 1934 par le célèbre neurochirurgien Dr Wilder Penfield, le Neuro connaît une croissance inégalée qui en fait le plus grand établissement de recherche et de soins cliniques spécialisé en neurosciences au Canada, et l’un des plus importants sur la scène internationale. L’intégration féconde de la recherche, des soins aux patients et de la formation par les plus éminents spécialistes à l’échelle mondiale placent le Neuro dans une position unique en matière de connaissance et de traitement des affections du système nerveux. En 2016, le Neuro est devenu le premier institut au monde à adhérer complètement à la philosophie de la science ouverte, ce qui a donné naissance à l’Institut de science ouverte Tanenbaum. L’Institut neurologique de Montréal est un institut de recherche et d’enseignement de l’Université ÎÛÎÛ²ÝÝ®ÊÓƵ.