Reprogrammer les cellules immunitaires innées pour lutter contre la tuberculose
Le travail novateur de chercheurs canadiens promet des vaccins plus efficaces contre la tuberculose et d’autres maladies infectieuses comme la grippe
La tuberculose (TB), une maladie infectieuse qui attaque les poumons, fait une victime toutes les 20Ěýsecondes et tue 1,5Ěýmillion de personnes dans le monde chaque annĂ©e. La guĂ©rison Ă©chappe aux chercheurs depuis plus d’un siècle, mais aujourd’hui, une Ă©quipe de chercheurs de MontrĂ©al pourraient avoir dĂ©couvert une nouvelle arme pour combattre cet ennemi mortel. L’équipe reprogramme ou « entraĂ®ne » les cellules immunitaires pour qu’elles Ă©radiquent la tuberculose. Leurs conclusions rĂ©volutionnaires sont publiĂ©es aujourd’hui dans la revue scientifique Cell.
« Le vaccin BCG actuellement disponible n’est pas efficace. Les traitements antibiotiques actuels sont toxiques et ont permis le dĂ©veloppement de souches rĂ©sistantes du bacille tuberculeux. L’ère des antibiotiques touche Ă sa fin, et nous allons avoir de sĂ©rieux problèmes si nous ne trouvons pas une autre approche », affirme l’auteur-correspondant principal, le DrĚýMaziar Divangahi, immunologue pulmonaire et spĂ©cialiste de l’immunitĂ© antituberculeuse Ă l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ (IR‑CUSM).
En travaillant avec le DrĚýLuis Barreiro, gĂ©nĂ©ticien Ă l’UniversitĂ© de MontrĂ©al (UdeM), et son Ă©quipe au CHU Sainte-Justine (hĂ´pital pour enfants) affiliĂ© Ă l’UdeM, les chercheurs ont pu dĂ©cortiquer et cerner les voies gĂ©nomiques participant au dĂ©clenchement d’une rĂ©ponse immunitaire innĂ©e renforcĂ©e contre la tuberculose.
Jusqu’à maintenant, les efforts pour crĂ©er un vaccin contre la tuberculose se sont surtout concentrĂ©s sur les cellules T (les cellules de la branche adaptative de notre rĂ©ponse immunitaire ayant une capacitĂ© de mĂ©moire), avec des rĂ©sultats très dĂ©cevants aussi bien dans les essais prĂ©cliniques que cliniques. Ă€ prĂ©sent, les Ă©quipes des DrsĚýDivangahi et Barreiro ont montrĂ© pour la première fois que lorsque le BCG est administrĂ© Ă des souris en ayant accès Ă la moelle osseuse, il peut reprogrammer des cellules souches. Ces cellules primitives sont responsables de gĂ©nĂ©rer toutes les cellules immunitaires, y compris celles de la branche innĂ©e de notre rĂ©ponse immunitaire, la première ligne de dĂ©fense dans la lutte contre la tuberculose.
Une armée de cellules formées pour éradiquer la tuberculose
Le système inné – par le biais des cellules souches dans la moelle osseuse – mobilise des macrophages, un type de globule blanc qui avale et tue les bactéries envahissantes comme Mycobacterium tuberculosis (Mtb), qui cause la tuberculose. Ce sont les premiers intervenants du système immunitaire.
Cependant, la bactĂ©rie Mtb dĂ©sarme le programme tueur des macrophages et les utilise comme un « sanctuaire » pour se reproduire et se dĂ©velopper. L’équipe du DrĚýDivangahi a examinĂ© ce processus et cherchĂ© une façon de renforcer le pouvoir destructeur des macrophages contre les bactĂ©ries tuberculeuses. Pour y arriver, l’équipe a vaccinĂ© des souris avec le BCG et, dans une sĂ©rie d’expĂ©riences, a observĂ© que le BCG dans la moelle osseuse Ă©tait capable de reprogrammer ou « d’éduquer » les cellules souches pour qu’elles prolifèrent et gĂ©nèrent des macrophages tueurs de bactĂ©ries tuberculeuses.
« Bien que nous ayons dĂ©montrĂ© que le BCG apprenait aux cellules souches Ă gĂ©nĂ©rer une immunitĂ© apprise, nous n’avions aucune idĂ©e des mĂ©canismes molĂ©culaires en cause dans cette voie protectrice », explique le DrĚýDivangahi, qui est aussi directeur associĂ© du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires Ă l’IR‑CUSM et professeur adjoint de mĂ©decine Ă l’UniversitĂ© ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ.
C’est Ă ce moment que le DrĚýDivangahi a commencĂ© Ă collaborer avec le DrĚýLuis Barreiro et son Ă©quipe Ă Sainte-Justine. Avec l’équipe du DrĚýBarreiro, ils ont cherchĂ© Ă dĂ©cortiquer les voies gĂ©nomiques participant au dĂ©clenchement d’une rĂ©ponse immunitaire innĂ©e renforcĂ©e contre la tuberculose.
L’équipe du DrĚýBarreiro a montrĂ© comment les programmes protecteurs Ă©taient gravĂ©s et transmis des cellules souches jusqu’aux macrophages. Elle a aussi Ă©tabli l’empreinte gĂ©nĂ©tique des voies protectrices dans les macrophages Ă©duquĂ©s qui ont Ă©tĂ© « activĂ©s » pour tuer l’agent pathogène de la tuberculose. « En fait, il s’agit de trouver d’autres façons de dĂ©velopper de meilleurs vaccins, des vaccins qui vont exploiter le pouvoir des macrophages et enfin profiter de la mĂ©moire immunitaire innĂ©e du corps », rapporte le D°ůĚýLuis Barreiro.
« Le vaccin actuel – BCG – a Ă©tĂ© introduit en 1921, mais il n’a pas rĂ©ussi Ă contrĂ´ler l’épidĂ©mie de tuberculose. Ces travaux permettront de rĂ©orienter totalement les efforts pour dĂ©velopper un nouveau vaccin contre la tuberculose », explique le DrĚýMarcel Behr, directeur du Centre international de TB de ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ, Ă MontrĂ©al.
MĂŞme si les chercheurs et leurs collègues ont bon espoir que cette nouvelle approche permettra de crĂ©er un vaccin efficace contre la tuberculose et Ă©ventuellement d’autres maladies infectieuses, le DrĚýDivangahi lance un appel Ă la prudence. « Ce n’est que la pointe de l’iceberg et il y a encore beaucoup de recherche Ă faire pour exploiter pleinement le pouvoir des cellules souches dans l’immunitĂ© contre les maladies infectieuses ».
À propos de l’étude
L’étude intitulĂ©e « BCG educates hematopoietic stem cells to generate protective innate immunity against tuberculosis », par Eva Kaufmann, Joaquin Sanz, Jonathan L. Dunn, Nargis Khan, Laura E. Mendonça, Alain Pacis, Fanny Tzelepis, Erwan Pernet, Anne Dumaine, Jean-Christophe Grenier, Florence Mailhot-LĂ©onard, Eisha Ahmed, Jad Belle, Rickvinder Besla, Bruce Mazer, Irah L. King, Anastasia Nijnik, Clinton S. Robbins, Luis B. Barreiro et Maziar Divangahi, a Ă©tĂ© publiĂ©e le 11Ěýjanvie°ůĚý2018 dans Cell. DOI: DOI: 10.1016/j.cell.2017.12.031
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).
À propos de l’Institut de recherche du CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ (IR-CUSM) est un centre de recherche de rĂ©putation mondiale dans le domaine des sciences biomĂ©dicales et de la santĂ©. Établi Ă MontrĂ©al, au Canada, l’Institut, qui est affiliĂ© Ă la facultĂ© de mĂ©decine de l’UniversitĂ© ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ, est l’organe deĚýrecherche du Centre universitaire de santĂ© ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ (CUSM) – dont le mandat consiste Ă se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communautĂ©. L’IR-CUSM compte plus de 420Ěýchercheurs et près de 1Ěý200ĚýĂ©tudiants et stagiaires qui se consacrent Ă divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santĂ© Ă©valuative aux sites Glen et Ă l’HĂ´pital gĂ©nĂ©ral de MontrĂ©al du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des dĂ©couvertes destinĂ©es Ă amĂ©liorer la santĂ© des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du QuĂ©bec – SantĂ© (FRQS)
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Le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est un établissement phare en recherche mère-enfant affilié à l'Université de Montréal. Axé sur la découverte de moyens de prévention innovants, de traitements moins intrusifs et plus rapides et d'avenues prometteuses de médecine personnalisée, il réunit plus de 200 chercheurs, dont plus de 90 cliniciens, ainsi que 360 étudiants de cycles supérieurs et postdoctorants. Le centre est partie intégrante du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le plus grand hôpital mère-enfant au Canada et le deuxième hôpital pédiatrique en importance en Amérique du Nord.
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FondĂ©e Ă MontrĂ©al, au QuĂ©bec, en 1821, l’UniversitĂ© ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ est l’une des principales universitĂ©s canadiennes. ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ compte deux campus, 10 facultĂ©s, 12 Ă©coles professionnelles, 300 programmes d’études et près de 41 000 Ă©tudiants, dont plus de 9Ěý700 aux cycles supĂ©rieurs. ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ accueille des Ă©tudiants originaires d’environ 150 pays, ses 12Ěý000 Ă©tudiants Ă©trangers reprĂ©sentant 30 pour cent de sa population Ă©tudiante. Environ 20Ěýpour cent des Ă©tudiants de ÎŰÎ۲ÝÝ®ĘÓƵ indiquent que leur langue maternelle est le français.
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